Pour la première fois, la France a procédé mardi au rapatriement de 35 enfants mineurs français qui se trouvaient dans les camps du nord-est de la Syrie, où sont détenues les familles des jihadistes, a annoncé le ministère français des Affaires étrangères.
Pour la première fois, la France a annoncé ce mardi le rapatriement de 35 enfants de jihadistes ainsi que celui de 16 mères. Une décision qui fait suite à de longues et difficiles négociations entre la France et les autorités kurdes qui administrent les régions du nord-est de la Syrie, rapporte notre correspondant à Beyrouth, Paul Khalifeh.
Environ 160 enfants français et 70 femmes toujours détenus
Il reste environ 160 enfants français et près de 70 femmes adultes toujours détenus dans cette région. La plupart se trouvent dans les camps de Roj et d’al-Hol, dans la province de Hassaké, dans le nord-est de la Syrie, gérés par les autorités kurdes qui ont proclamé l’autonomie de ces régions.
Le camp d’al-Hol abrite à lui seul plus de 62 000 personnes, dont les deux tiers ont moins de 18 ans et plus de la moitié moins de 12 ans. Il s’agit d’enfants et de femmes de combattants du groupe État islamique. Les plus nombreux sont les Irakiens, suivis par les Syriens et d’autres nationalités arabes. Mais il y a aussi des milliers d’Européens dont les gouvernements refusent le rapatriement.
La fin d’une politique du « cas par cas » ?
Les autorités kurdes sont sous le feu des critiques en raison de leur gestion de ces prisons à ciel ouvert. Les organisations des droits de l’homme dénoncent une situation sanitaire catastrophique et les services de renseignements occidentaux soulignent le risque d’endoctrinement des enfants par le groupe État islamique, qui continue de faire la loi dans ces camps, où sont commis tous les ans des dizaines de meurtres.
Ce rapatriement des familles des jihadistes constitue un soulagement pour les proches et l’espoir de la fin d’une politique du « cas par cas », espèrent celles dont les proches sont toujours détenus dans le nord-est de la Syrie. Car les dangers qui pèsent sur eux sont multiples, juge Fabrice Balanche, maître de conférences à l’Université Lyon 2, notamment pour celles qui montrent des signes de réhabilitation. « Le principal risque, c’est pour les femmes qui sont déviantes par rapport à l’idéologie de l’État islamique, explique-t-il. Elles peuvent se faire égorger dans la nuit par leur sœur qui ne supporte pas qu’elles dévient, car le camp de al-Hol est vraiment sous la coupe de l’idéologie de l’État islamique. »
La crainte d’une déstabilisation régionale et d’une résurgence du groupe EI
« Et puis, surtout, ce qui peut se passer bientôt, parce qu’il y a des bruits de bottes à la frontière avec le président turc qui menace d’une intervention militaire contre les Kurdes, c’est qu’une intervention militaire turque déstabilise la région, que le camp ne soit plus surveillé, que l’État islamique en profite pour faire une razzia contre ce camp pour libérer tout le monde », prévient-il.
Jusqu’à présent, la France avait refusé de rapatrier collectivement ces ressortissants français. Ce changement de politique intervient au terme des échéances électorales, mais aussi alors que l’État islamique en Syrie se renforce et que la Turquie menace de lancer une offensive militaire contre les Kurdes dans le nord-est de la Syrie, précisément où sont détenus ces femmes et enfants. Pour Fabrice Balanche, le contexte international rendait ce rapatriement nécessaire. « Ce qui peut se passer bientôt, parce qu’il y a des bruits de bottes à la frontière avec le président turc qui menace d’une intervention militaire contre les Kurdes, c’est qu’une intervention militaire turque déstabilise la région, que le camp ne soit plus surveillé, que l’État islamique en profite pour faire une razzia contre ce camp pour libérer tout le monde. »
Une situation qui a pu influencer le Quai d’Orsay, estime-t-il. Depuis plusieurs années, les autorités kurdes, qui ne veulent plus avoir à gérer ces camps, font également pression pour le rapatriement des personnes qui y sont détenues.
rfi