Depuis la mort le 16 septembre de Masha Amini après son arrestation, les protestataires iraniens ne cessent de descendre dans la rue crier leur colère. Des manifestations de soutien se sont multipliées ce week-end dans le monde, des Amériques à l’Europe en passant par l’Irak, voisin de l’Iran.
Des États-Unis à l’Australie, en passant par la Suède, le Brésil ou encore la Grèce. À travers le monde, les manifestations se multiplient pour soutenir la colère qui ne faiblit pas en Iran depuis la mort de Masha Amini, cette jeune femme morte il y a une dizaine de jours après son arrestation par la police des mœurs à Téhéran pour « port de vêtements inappropriés ».
Gaz lacrymogènes à Paris et Londres
« Femme, vie, liberté ! Les trois mots scandés par les manifestants en Iran depuis la mort de Mahsa Amini ont été repris d’une seule voix par les quelques milliers de personnes rassemblées à Paris, où une deuxième manifestation a eu lieu en deux jours, dimanche. Parti de la place du Trocadéro, le cortège parisien s’est dirigé vers l’ambassade d’Iran au son des mêmes slogans qu’en Iran, ou encore « France, ça suffit le silence ». Des manifestants « unis » et souvent émus alors qu’en Iran, de jeunes Iraniens et Iraniennes défient le pouvoir au péril de leur vie. Comme Reza et son épouse Maryam, qui ont quitté l’Iran pour la France il y a 40 ans, peu de temps après la révolution islamique.
Ce mouvement a surpris tout le monde. Des morts, il y en a toujours eu malheureusement. Mais cette fois-ci, les gens en ont marre. C’est une étincelle pour allumer le feu.
Manifestation à Paris en soutien aux Iranien(ne)s
Eric Chaurin
La police a fait usage de gaz lacrymogènes pour empêcher des milliers de manifestants d’atteindre l’ambassade de la République islamique. La préfecture de police de Paris a fait état de « 4 000 personnes » rassemblées place d’Iéna, près du siège de l’ambassade.
La tension monte d’un cran devant l’ambassade d’Iran à Paris, une charge policière est en cours vers les manifestants.
Les participants ont reproché notamment au président français Emmanuel Macron d’avoir serré la main de son homologue iranien Ebrahim Raïssi lors de leur rencontre le 20 septembre en marge de l’Assemblée générale des Nations unies à New York, portant notamment sur une relance de l’accord international sur le programme nucléaire de Téhéran.
De son côté, le pouvoir iranien a menacé dimanche de ne faire preuve d’« aucune indulgence » vis-à-vis des manifestants après dix jours de protestations qui ont coûté la vie à 41 personnes, selon un bilan officiel. Mais le bilan pourrait être plus lourd, l’ONG Iran Human Rights (IHR), basée à Oslo, faisant état d’au moins 57 manifestants tués. Téhéran accuse les États-Unis « de s’ingérer dans les affaires iraniennes (…) et de soutenir les émeutiers de manière provocatrice. »
Depuis plusieurs jours, c’est la diaspora iranienne à Londres qui se mobilise en nombre dans le calme. Dimanche encore, une manifestation avait lieu aux abords de l’ambassade d’Iran dans la capitale britannique. Mais le rassemblement a dégénéré : au moins cinq policiers ont été « sérieusement blessés et douze personnes arrêtées. Si la « majorité de ceux qui étaient présents dimanche à l’ambassade continuaient à se comporter de manière responsable », un groupe « important » a « cherché à s’en prendre à la police et à des manifestants avec lesquels ils n’étaient pas d’accord », a expliqué Scotland Yard dans un communiqué dimanche soir.
« Femme, vie, liberté ! »
À Montréal, un vaste rassemblement de plusieurs milliers de Canadiens d’origine iranienne a eu lieu samedi 24 septembre au soir en soutien à la révolte populaire de leur pays. Entre peur et espoir, les manifestants étaient là pour montrer leur soutien à la population iranienne, alors que beaucoup d’entre eux ont des amis et de la famille là-bas.
C’est le cas d’Amir Naim, 52 ans. L’agent immobilier, qui est arrivé au Canada il y a une trentaine d’années, n’a pas de nouvelles de ses proches. « Nous avons essayé de communiquer avec nos amis et notre famille dans le pays, malheureusement, avec la fermeture d’Internet, c’est devenu quasiment impossible », témoigne-t-il auprès de notre correspondant à Montréal, Léopold Picot.
Amir considère que le pouvoir iranien commet une erreur en empêchant ses citoyens d’accéder aux informations. « À mon avis, cela ne fera que creuser le fossé entre les gens et le pouvoir iranien. Le gouvernement doit écouter les demandes légitimes des manifestants. La transparence, un agenda précis sur les réponses concrètes à apporter, c’est essentiel », détaille-t-il.
Dans la foule, des slogans étaient scandés, comme « Femme, vie, liberté ! » S’il peut paraître vain de se rassembler à Montréal, à des milliers de kilomètres de manifestations sanglantes dans un pays coupé d’internet, Amir est convaincu de l’importance de se réunir et de montrer un soutien solide au peuple iranien. « Il faut que les gens soient proactifs et rejoignent ces rassemblements. Je suis très heureux de voir tout ce monde apporter ses propres pancartes, ses propres slogans et se joindre à la manifestation, en mettant de côté nos différences. Il faut être unis, parler d’une seule voix, et être très clair sur le message que nous adressons au peuple iranien, contre toute source de brutalité et d’injustice. »
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Pour lui, la mesure principale à mettre en œuvre est de dissoudre la police des mœurs qui sévit en Iran : « La police des mœurs n’a pas sa place dans la société. Elle n’a absolument pas à imposer sa vision de la religion à toute la société. »
Un rassemblement a également eu lieu le 21 septembre devant les locaux du média public Radio-Canada. Les manifestants canadiens demandaient de couvrir plus intensément ce qu’il se passe en Iran. Un grand nombre espèrent pousser le gouvernement canadien à inscrire le régime iranien sur la liste des entités terroristes, ce qui permettrait de bloquer les avoirs de responsables iraniens.
Loin de s’avancer autant, la Chambre des communes a adopté à Ottawa le 21 septembre une motion offrant ses condoléances à la famille de Masha Amini et réaffirmant sa solidarité envers les femmes d’Iran. Une mesure symbolique pour les manifestants. D’autres rassemblements sont prévus la semaine prochaine en soutien à l’Iran, et Amir a d’ores et déjà prévu d’en être.
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Dans le Kurdistan irakien, région frontalière de l’Iran, le décès de Masha Amini a également attisé un vent de contestation. À Erbil, capitale de cette région au carrefour des échanges entre Kurdistan d’Irak et Kurdistan d’Iran, quelques centaines de manifestants se sont rassemblés samedi, portant des portraits de la jeune Iranienne et où on pouvait entendre des chants hostiles au régime iranien.
Des manifestations de soutien ont aussi été organisées devant la Maison Blanche à Washington ou encore à Santiago du Chili. Les capitales européennes ont également répondu présentes, de Londres à Stockholm, en passant par Londres ou Athènes. Partout les mêmes scènes, des appels à la liberté et des femmes qui coupent leurs cheveux en hommage à Mahsa Amini.
RFI