Dernier jour de campagne, vendredi 29 juillet au Sénégal, avant les élections législatives de ce dimanche 31 juillet. Cent soixante-cinq sièges de députés sont en jeu. Huit listes sont en compétition. La majorité espère conserver une majorité confortable à l’Assemblée, tandis que les principales forces de l’opposition visent à imposer une cohabitation au président Macky Sall.
De notre correspondante à Dakar,
Un face-à-face télévisé en direct opposant deux candidats : cela s’est passé mardi 26 juillet à Ziguinchor, en Casamance, entre Victorine Ndeye, tête de liste de la majorité Benno Bokk Yaakaar, et Guy Marius Sagna, de l’inter-coalition de l’opposition Yewwi Askan Wi / Wallu Sénégal.
L’évènement a été qualifié d’« historique » par le défenseur des droits humains Alioune Tine, alors que la campagne a surtout été marquée par des caravanes sillonnant le pays, sonos au maximum.
Une campagne « terne », « sans réel débat de fond sur les programmes », regrette de son côté Mamadou Lamine Sarr, enseignant en sciences politiques à l’Université Virtuelle du Sénégal. Elle s’est déroulée sans incident majeur, après un début de processus électoral chaotique et le rejet par le Conseil Constitutionnel de la liste nationale de titulaires de Yewwi Askan Wi, la principale coalition de l’opposition menée par Ousmane Sonko.
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Ousmane Sonko, non-candidat mais omniprésent
Le maire de Ziguinchor et député sortant n’est donc pas candidat : ce sont les suppléants, souvent inconnus du grand public, qui représenteront Yewwi Askan Wi au scrutin proportionnel. Des personnalités aux parcours souvent atypiques, comme Oumar Sy, cadre de l’aviation civile, tête de liste nationale des suppléants.
Pourtant, Ousmane Sonko aura été omniprésent durant la campagne, enchaînant les meetings et les visites de proximité. « Qu’on l’apprécie ou non, on ne peut pas nier sa capacité à mobiliser les foules, il y a un phénomène Sonko », estime un observateur de la vie politique.
Après sa troisième place à l’élection présidentielle de 2019, « il est devenu une locomotive auprès des jeunes ». Son arrestation dans une affaire de viol présumé avait provoqué de violentes émeutes en mars 2021, qui avaient fait au moins treize morts. Aucune date n’est avancée pour un procès dans ce dossier.
Objectif pour l’opposant lors de ces législatives : imposer une cohabitation au président Macky Sall. Pour cela, Yewwi Askan Wi s’est alliée avec la coalition Wallu Sénégal, formée autour de l’ancien président Abdoulaye Wade. Le principe est simple : une coalition s’engage à soutenir l’autre dans le département où elle est en position de force.
Cette alliance « peut faire mal à la majorité », affirme Ababacar Fall, secrétaire général du Gradec, le groupe de recherches et d’appui pour la démocratie participative et la bonne gouvernance. « La stratégie peut être payante, si elle est bien comprise par les électeurs », ajoute-t-il.
La majorité mise sur bilan de Macky Sall
Du côté de la majorité, l’ancienne Première ministre, Aminata Touré, tête de liste nationale, et les candidats de Benno Bokk Yaakaar ont vanté durant la campagne le bilan et les réalisations du président Macky Sall depuis son arrivée au pouvoir en 2012 : le TER –Train Express Régional-, le nouveau stade du Sénégal ou le Palais des Sports de Diamniadio sont mis en avant sur les affiches de campagne.
Alors que les ménages sont préoccupés par l’inflation et la cherté de la vie, l’ancien ministre Amadou Ba a vanté en conférence de presse les mérites du Plan Sénégal Émergent, le programme de développement initié par le président Macky Sall. « La victoire est acquise », assurent les responsables de la coalition.
En l’absence de sondages, le baromètre reste les dernières élections locales du 23 janvier dernier. L’opposition de Yewwi Askan Wi avait enregistré des succès dans les grandes villes, notamment Dakar, Ziguinchor, ou encore Thiès. Mais la coalition présidentielle avait revendiqué une « hégémonie à l’échelle nationale », avec une majorité de voix sur l’ensemble du territoire, et des ancrages solides, notamment dans le Fouta (Nord), ou dans la région de Fatick (Ouest).
Un « référendum sur le troisième mandat »
Six mois après les locales, ces législatives seront le dernier scrutin avant la prochaine présidentielle. « C’est un échauffement », estime le chercheur Mamadou Lamine Sarr, « Tout le débat politique est monopolisé par l’échéance de 2024 ». Ousmane Sonko a déjà affiché clairement ses ambitions.
Quant à Macky Sall, il maintient le mystère sur une éventuelle troisième candidature. « C’est un non-sujet, le président tranchera le moment venu », s’agace un membre de la majorité. Mais l’opposition en a fait l’un de ses principaux thèmes de campagne. « C’est la ligne rouge » prévient un responsable de Yewwi Askan Wi.
Les législatives seront un « référendum pour ou contre un troisième mandat », estime Ababacar Fall du GRADEC pour qui « cette question pollue le débat politique depuis 2019 et doit être tranchée ».
Une Assemblée renouvelée
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Cohabitation ou pas, la 14e législature réserve des surprises. « Même si l’opposition ne remporte pas la majorité, il y aura un rééquilibrage des rapports de force à l’Assemblée », poursuit Ababacar Fall.
Et de nouveaux profils pourraient faire leur entrée dans l’hémicycle. « L’Assemblée doit refléter le vrai visage du Sénégal, avec plus de jeunes, plus de femmes », espère Mamadou Lamine Sarr, qui cite notamment la nouvelle coalition « Les Serviteurs / MPR » créée par le jeune journaliste et chroniqueur Pape Djibril Fall.
Face aux « mastodontes », la récente coalition AAR Sénégal (Alternative pour une Assemblée de Rupture), qui se qualifie d’opposition « modérée », tente également de se faire entendre, autour de ses leaders Thierno Alassane Sall et Abdourahmane Diouf.
Un départ et une arrivée
Quels que soient les résultats, ces élections législatives marqueront le départ du président de l’Assemblée nationale depuis 2012 : Moustapha Niasse, pilier de la vie politique depuis Léopold Sédar Senghor, premier président de la République du Sénégal.
Et le scrutin sera en principe suivi par l’arrivée d’un nouveau Premier ministre. Le poste, supprimé par Macky Sall en 2019, puis rétabli en novembre 2021, n’a toujours pas été pourvu. Le choix de la personnalité qui prendra la tête du gouvernement pourrait être une première indication sur les intentions du chef de l’État pour 2024.
rfi