Réunis dans la capitale turque, les émissaires ukrainiens et russes, ainsi que les représentants de l’ONU, ont élaboré un système qui permettra de faire sortir d’Ukraine 20 millions de tonnes de céréales, et ainsi de prévenir des famines ou des troubles dans plusieurs régions du monde. À Kiev, cet accord est perçu comme une victoire diplomatique, mais également stratégique.
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Avec notre correspondant en Ukraine, Stéphane Siohan
À Kiev, le ton est donné tous les jours avec les fameuses allocutions vidéo quotidiennes du président Volodymyr Zelensky, et vendredi soir 22 juillet, le chef de l’État ukrainien a salué un accord qui permettra d’éviter « une catastrophe, une famine qui pourrait provoquer le chaos dans un grand nombre de pays ».
Dix milliards d’euros pour l’Ukraine
Volodymyr Zelensky a également indiqué que le déblocage de trois ports majeurs ukrainiens, notamment Odessa, permettrait de mettre sur le marché toute la récolte 2022 de céréales, et que cela générera des bénéfices à hauteur de 10 milliards d’euros, qui abonderont au budget de l’État, et qui permettront de sauver des emplois dans le secteur agricole.
Néanmoins, dans l’entourage du pouvoir, on reste prudent, et ainsi que l’a rappelé Mykhailo Podolyak, un conseiller de Volodymyr Zelensky, il va falloir faire très attention à l’attitude de la Fédération de Russie, partie prenante de cet accord complexe avec la Turquie et les Nations unies. Kiev espère que la Russie ne cherche pas à créer des incidents dans la mise en place de ces corridors maritimes, alors que l’étouffement de l’économie ukrainienne par la mer était un des objectifs majeurs de Moscou.
Objectif de Kiev : destruction de la flotte russe de la mer Noire
Pour autant, cet accord ne signifie pas que l’on peut s’attendre à un apaisement des tensions dans la mer Noire. Car cette entente a été rendue possible par un rééquilibrage de la situation stratégique dans la mer Noire. Grâce aux missiles à longue portée occidentaux, les Ukrainiens ont en effet repris le contrôle de la très stratégique île aux Serpents, à l’embouchure du Danube. Les navires de guerre russes ne peuvent plus ainsi s’approcher du littoral d’Odessa sans risquer des frappes punitives ukrainiennes, et il y a trois jours, le vice-ministre de la Défense ukrainien a déclaré que l’objectif de Kiev était ni plus ni moins que la destruction de la flotte russe de la mer Noire.
On évoque désormais une contre-attaque ukrainienne dans le sud, dans la région de Kherson, proche de la Crimée. Si celle-ci intervenait, elle pourrait de nouveau mettre le feu aux poudres sur les eaux de la mer Noire.
L’Union africaine « se félicite » de l’accord d’Istanbul
L’Union africaine (UA) s’est « félicitée » samedi de l’accord signé entre la Russie et l’Ukraine pour débloquer les exportations de céréales, un « développement bienvenu » pour le continent qui fait face à un risque accru de famine. Cet accord est « une réponse » à la visite en juin en Russie du chef de l’État sénégalais Macky Sall, président en exercice de l’UA et du président de la commission de l’UA, le Tchadien Moussa Faki, qui avaient souligné auprès de Vladimir Poutine « l’urgence du retour des céréales d’Ukraine et de Russie sur les marchés mondiaux », ajoute l’organisation dans un communiqué. Dans un tweet, Macky Sall a également félicité les présidents turc Recep Tayyip Erdogan, qui a accueilli les discussions à Istanbul, russe Vladimir Poutine et ukrainien Volodymyr Zelensky pour cet accord. « C’était l’objectif de la mission que j’avais conduite à Sotchi le 3 juin dernier », a-t-il déclaré.
rfi