Ce vendredi 30 septembre, le Kremlin prépare une grande cérémonie à Moscou, lors de laquelle Vladimir Poutine pourrait officialiser en grande pompe le rattachement à la Russie des quatre régions de l’est de l’Ukraine, Kherson, Zaporijjia, Donetsk et Louhansk, alors que l’inquiétude monte sur les conséquences qu’impliquera cet acte d’annexion inédite de la part d’une grande puissance membre du Conseil de sécurité des Nations unies. À Kiev, les responsables et l’opinion n’hésitent plus à évoquer le risque d’un recours à l’arme nucléaire de la part de Moscou.
Le monde n’a peut-être jamais été aussi près de l’utilisation d’une arme nucléaire tactique pour régler un conflit, voilà l’opinion qui fait son chemin à Kiev, rapporte notre correspondant à Kiev, Stéphane Siohan, alors que l’armée ukrainienne est en train d’infliger au Kremlin une nouvelle défaite cuisante, cette fois-ci dans le Donbass, à Lyman, où l’armée russe est quasi encerclée.
Les forces russes sont « partiellement encerclées » dans la ville stratégique de Lyman, a reconnu vendredi un haut responsable séparatiste. « À l’heure actuelle, Lyman est partiellement encerclée. La route de Svatové est sous notre contrôle, mais sous le feu périodiquement », a indiqué sur Telegram Denis Pouchiline, à la tête du bastion séparatiste de Donetsk. Il a reconnu que les villages de Iampil et Drobychevé, proches de Lyman, « ne sont pas sous le contrôle total » de Moscou.
La crainte de l’inimaginable
Le président Volodymyr Zelensky a convoqué pour ce vendredi un Conseil national de sécurité exceptionnel, lors duquel sera représenté l’état-major de l’armée, afin d’apporter une réponse à l’annexion des régions du sud-est de l’Ukraine.
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Selon des sources de renseignement, y sera également évoquée l’attitude à adopter par l’Ukraine et ses partenaires occidentaux en cas de frappe nucléaire tactique par la Russie.
Désormais, les responsables de Kiev n’hésitent plus à aborder ce scénario, mais estiment qu’en aucun cas, il ne doit détourner l’Ukraine de sa stratégie : récupérer ses territoires occupés.
L’opinion commence aussi à évoquer tout doucement l’hypothèse nucléaire, les Ukrainiens discutent sur les réseaux sociaux de la manière de s’y préparer, mais en sourdine, avec un calme surprenant, comme si l’inimaginable ne s’exprimait pas par des mots.
♦ À son tour, le président américain Joe Biden s’oppose aux résultats annoncés par Moscou
Les États-Unis ne reconnaitront jamais, jamais, jamais les revendications russes sur le territoire souverain de l’Ukraine. Ces soi-disant référendums étaient un simulacre, un simulacre absolu. Les résultats ont été fabriqués de toutes pièces à Moscou. La véritable volonté du peuple ukrainien est évidente jour après jour. Ils sacrifient leurs vies pour sauver leur peuple et maintenir l’indépendance de leur pays ainsi que pour défendre la liberté. L’attaque russe de l’Ukraine pour servir les ambitions impérialistes et de Poutine est une violation flagrante, flagrante, de la charte des Nations unies et les principes de base de souveraineté et d’intégrité territoriale.
Joe Biden
Guillaume Naudin
Les facteurs du succès des forces ukrainiennes
Premier conflit de haute intensité du XXIe siècle sur le sol européen, la guerre d’Ukraine est scrutée par tous les états-majors. Après sept mois d’affrontement, les facteurs du succès des forces ukrainiennes sur le champ de bataille apparaissent désormais clairement. Renseignement, déni d’accès, concentration des feux et surtout une grande plasticité dans tous les secteurs du combat, ce sont les clés du succès de l’armée ukrainienne.
Les Russes se sont trompés d’ennemis, notent les stratèges français. Ils ont tiré 3 000 missiles de précisions, mais ne sont jamais parvenus à fragmenter la défense ukrainienne. Celle-ci a toujours opposé des systèmes redondants très efficaces.
Premier point notable et qui n’avait pas été anticipé avant cette guerre : l’usage massif des missiles sol air portatifs. Il a empêché les Russes d’avoir la maîtrise du ciel. Un déni d’accès, basse altitude, courte portée, en embuscade, indétectable. Avant cela, le déni d’accès était uniquement la haute altitude et les systèmes russes S400 ou patriot américains.
Le second bouleversement est venu de l’usage de l’artillerie longue portée : elle modifie la profondeur du champ de bataille qui désormais s’étire sur des centaines de kilomètres. Les lances roquettes multiples Himars américains offrent de nouvelles frontières tactiques, reconnaissent avec envie des militaires français de haut rang.
Autre révolution, la Techno guérilla : les Ukrainiens convertissent avec succès les technologies civiles. L’usage des réseaux sociaux permet de détecter des cibles, et les téléphones portables permettent de relier la ligne de front aux postes de commandement en full vidéo, une nouvelle philosophie de la guerre.
RFI