Après des mois d’attente et une visite polémique sur place, la Haut Commissaire aux droits de l’homme de l’ONU Michelle Bachelet a publié son rapport sur le traitement réservé par Pékin à la minorité ouïghoure.
Avec notre correspondant à Genève, Jérémie Lanche
De potentiels crimes contre l’humanité commis au Xinjiang. Le mot est lâché dans ce rapport d’un peu moins de cinquante pages publié, quelques minutes avant le départ de son poste de Michelle Bachelet, Haut-Commissaire aux droits de l’homme de l’ONU. Le rapport n’apporte pas de véritable révélation, mais apporte le sceau de l’ONU aux accusations portées de longue date contre les autorités chinoises. Ses conclusions sont accablantes pour Pékin, ce qui explique pourquoi les autorités ont tout fait pour empêcher sa publication. « L’ampleur de la détention arbitraire et discriminatoire de membres des Ouïghours et d’autres groupes à prédominance musulmane (…) peut constituer des crimes internationaux, en particulier des crimes contre l’humanité », indique le rapport dans ses conclusions.
L’ONU a interrogé 40 témoins ou victimes d’abus commis au Xinjiang. Parmi eux, 26 ont été détenus dans des camps de rééducation ou de « formation professionnelle », selon la terminologie officielle chinoise. Le récit qu’ils en font est le même : passages à tabac, tortures, traitement médicamenteux forcé, viols parfois. Le tout pendant des mois. Quasiment sans pouvoir communiquer avec leur famille. Et surtout, sans raison apparente. Si ce n’est celle d’appartenir à une minorité ethnique honnie par le pouvoir central.
Le rapport évoque également les stérilisations forcées et le contrôle de la population par des systèmes de reconnaissance faciale. Des violations des droits de l’homme sans doute massives, dit l’ONU, qui ne peut cependant pas les quantifier.
Les réactions n’ont en tout cas pas tardé. Si du côté des ONG, on déplore que Michelle Bachelet ait si longtemps attendu avant de publier le document, Human Rights Watch demande que le Conseil des droits de l’homme s’en saisisse et lance une nouvelle investigation. Amnesty International exige aussi que le Conseil « mette sur pied un mécanisme indépendant international pour enquêter » sur ces crimes au Xinjiang. « Ce rapport ouvre la voie à des actions sérieuses et tangibles des États membres, des agences de l’ONU et des entreprises », s’est réjoui Dolkun Isa, président du Congrès mondial Ouïghour et d’ajouter: « L’heure de rendre des comptes sonne maintenant. »
Du côté de Pékin, on dénonce un rapport truffé de mensonges et qui méconnaît la réalité du Xinjiang.
RFI