Le député-maire de la ville de Dakar, Barthélémy Dias sera édifié sur son sort, en appel, ce mercredi 21 septembre 2022. Poursuivi pour le meurtre du nervi du Pds, Ndiaga Diouf, au cours d’une fusillade devant la mairie de Mermoz/Sacré-cœur le 22 décembre 2011, le poulain de Khalifa Sall risque le même sort que son mentor : la révocation de ses mandats. Mais, le bouillant jeune socialiste promet d’en découdre jusqu’au bout. Lumière sur la trajectoire d’un éternel belliqueux.
Souvent ses nerfs parlent plus fort que sa raison. Surtout dans l’arène politique où les « coups » pleuvent comme des rafales. Dans ce « No mercy land » (terre sans pitié) qu’est la politique à la sénégalaise, Barthélémy Dias trimballe la réputation d’avoir la sensibilité d’une gâchette. Ainsi, planqué dans la tour voisine, le pouvoir et ses ouailles dans le viseur, il n’hésite pas, une seule seconde, à faire feu…de tout bois. N’étant point de ceux qui tendent l’autre joue, il répond, en effet, coup pour coup. Et le moins que l’on puisse dire est qu’il ne tire jamais à blanc.
Ce jeudi-là, 22 décembre 2011 (veille de l’investiture de Wade par le Pds pour un 3e mandat), il n’a pas fait injure à cette réputation. Veste en cuir marron déboutonné, yeux masqués par des Ray-ban Aviator, deux revolvers aux mains, le maire de Mermoz/Sacré-cœur est au milieu d’une chienlit indescriptible. L’image à fait le tour du monde. Dakar, la capitale sénégalaise qui a toujours traîné la réputation d’oasis de paix, est transformée, -le temps d’une intimidation politique qui a tourné au vinaigre-, en terre hostile du Far-west où ça dégaine et tire à tout va.
Il ne s’agit guère d’une scène de fiction hollywoodienne. On est bel et bien à Mermoz où le maire, Barthélémy Dias, qui a reçu la visite surprise des nervis du régime libéral, a décidé de se défendre à sa manière, devant des autorités policières qui avaient visiblement décidé ou reçu l’ordre de jouer au spectateur.
Les balles sifflent dans ce quartier tranquille. D’un pas ferme, Barth avance pointant ses deux armes sur la foule de nervis surpris par le courage du comité d’accueil trouvé sur les lieux. Ndiaga Diouf, un des gros bras recrutés par les faucons du régime adeptes des méthodes dignes de la Gestapo, tombe !
« Ce n’était pas un défilé, ni une promenade. C’était une attaque sur la mairie de Mermoz/Sacré-cœur et une tentative d’assassinat sur ma personne », lâche Barth qui plaide, dès les premières heures, la « légitime défense ». « J’ai un permis de port d’arme et j’étais en état de légitime défense », clame-t-il, soutenu par les actuels tenants du pouvoir dont l’actuel président de la République, Macky Sall qui jazzait à l’époque sur le même tempo que le fils de Jean-Paul, son allié de Macky2012. « Je témoigne mon soutien à la famille Dias, mais aussi en tant que maire de Fatick apporter mon soutien au maire de la commune de Mermoz/Sacré-cœur. (…)Nous apportons notre soutien à Barthélémy Dias qui s’est défendu », soutenait-il.
Les péripéties d’un dossier politisé
Ça, c’était avant l’accession au pouvoir. Après 2012, ce dossier qui avait valu à Barth 5 mois de détention préventive sera utilisé comme un moyen de pression par l’actuel régime pour ferrer le belliqueux jeune socialiste. L’issue de l’affaire dépendait, en effet, de son comportement au sein de la mouvance présidentielle. Bénéficiant d’une liberté provisoire le 21 mai 2012, Dias-fils est investi puis élu député sous la bannière de Benno Bokk Yakaar à l’issue des législatives du 1er juillet 2012. Tout allait pour le mieux.
Mais, ce qu’ignorait le président Sall c’est que Barth n’était pas du genre à se tenir à carreau. Surtout pas quand la sécurité de son mentor Khalifa Sall est menacée. Ayant fait bande à part avec Khaf’ lors des locales de 2014 en laminant sévèrement Bby à Dakar, c’est le début des bisbilles. Le fondateur de la convergence socialiste n’avait pas sa langue dans sa poche à l’hémicycle et ses alliés/adversaires de Bby ne rataient jamais une occasion de lui rappeler que le dossier Ndiaga Diouf pouvait être réactivé à tout moment s’il persiste dans sa rébellion.
Une menace qui finit par être exécutée puisque l’immunité parlementaire du député socialiste a été levée le 11 novembre 2016 pour « permettre la tenue » de son procès dont l’ouverture était initialement prévue le 20 octobre 2016. Il sera condamné à deux ans de prison dont six mois ferme en 2017. Immédiatement libéré, Barth, réfutant toute responsabilité dans la mort de Ndiaga Diouf, fait appel. L’affaire sera vidée ce mercredi.
Adn d’un rebelle
Un destin politique qu’il a longtemps cherché à semer. Hélas ! En effet, fils d’un des membres fondateurs exclu des rangs du Pds en 1993 (Jean-Paul Dias), ce « boy town » qui voyait la politique comme une pratique ringarde et malsaine, s’en était très tôt éloigné. Après avoir fréquenté le collège cathédral, les cours Saint Michel et le collège Sacré-cœur, Barth s’installe au pays de l’oncle Sam où il décroche un MBA en Transport à l’Université du Maryland puis un master en administration publique des affaires à la York Unversity à Toronto au Canada. Le jeune frère de Fanny Dias, décide de faire sa vie aux Etats-Unis d’Amérique en se mariant. Mais le ciel avait un autre projet pour lui.
A l’appel du peuple face aux dérives du régime libéral, les ‘’gènes’’ prennent le pas sur toute autre considération. C’est ainsi que celui qui fut un membre plus ou moins actif du PS depuis 2005, se hisse au-devant de la scène. Lors d’une visite du président Abdoulaye Wade aux Etats-Unis en 2008, aux côtés de Souleymane Jules Diop, Barth est allé à la charge. La vidéo devient virale. Dias-fils décide enfin d’assumer son destin en revenant au pays. Au PS, à travers son caractère belliqueux qu’il tient de son père, le jeune politicien donne un souffle nouveau au parti qui était plongé depuis plusieurs années dans une léthargie profonde.
Propulsé comme un geyser, il gravit vite les échelons dans ladite formation politique, enchaîne les mandats (maire de Mermoz de depuis 2009 ; maire de Dakar ; député…) et devient la terreur du régime libéral qu’il a farouchement combattu. Sa pugnacité n’a pas fléchie avec le temps et les circonstances, puisqu’il combat le régime de Macky Sall et son propre père (Jean-Paul Dias, envoyé spécial du président de la République) avec la même vigueur sans jamais lever le pied. Et cela ne le gêne guère de partager le même toit avec ce dernier.
Polyglotte et agriculteur
Du haut de ses 46 ans (il est né le 23 septembre 1975) le fils de Christiane Lopes, enseignante de profession (elle a été censeur du Lycée John Fitzgerald Kennedy de Dakar) et ancienne capitaine de l’équipe nationale féminine de Basket-ball du Sénégal, Barthélémy Toye Dias ne se limite pas seulement à la pratique politique. Loin du tumulte du landerneau politique, il requinque à travers la culture de la terre, l’autre facette de sa personnalité.
Père de trois enfants, Barth est également un polyglotte passionné de savoir. Malgré ses responsabilités politiques et sociales, il est inscrit en MPA ( Master of Public Administration) à l’École nationale d’administration publique (ENAP) du Canada et en Master Finance à l’Institut Supérieur des finances de Dakar. Le membre du Bureau de l’Association internationale des maires francophones (AMF) est aussi vice-président de la Commission Ville et Développement durable de l’Association des maires francophones (AIMF).
Ce mercredi 21 septembre 2022, à deux jours de son 47e anniversaire, Barthélémy Dias est à quitte ou double dans le dossier Ndiaga Diouf et joue son avenir politique. Dans l’attente de la décision de la cour d’appel après plusieurs reports, Dakar retient son souffle. Le député-maire de Dakar pourrait bien tomber de Charybde en Scylla. En cas de condamnation, Barth pourrait bien perdre ses mandats. Une situation qui n’est pas sans rappeler celle de son mentor, Khalifa Sall.
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