L’ancien président Luiz Inácio Lula da Silva a été élu dimanche 30 octobre à la tête du Brésil avec 50,90 %, selon les résultats définitifs, contre 49,10 % pour le chef d’État sortant d’extrême droite Jair Bolsonaro. La figure de gauche commencera son troisième mandat le 1er janvier.
Le Tribunal supérieur électoral (TSE) a déclaré dimanche soir le candidat de gauche Luiz Inacio Lula da Silva élu président de la République, jugeant l’écart étant impossible à rattraper après le dépouillement de 98,95 % des voix. Avec environ 49,10 % des voix, le candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro devient le premier président sortant du pays à échouer à se faire réélire.
L’écart entre les deux opposants est très court, dans un pays de 215 millions d’habitants et près de 156 millions d’électeurs, obligés de s’exprimer, le vote étant obligatoire. La marge est bien plus étroite que ce que prédisaient les sondages, qui avaient déjà sous-estimé le score de Jair Bolsonaro avant le premier tour.
avec Armelle Enders, professeure d’histoire contemporaine à l’Université Paris 8, rattachée à l’Institut français de géopolitique, spécialiste du Brésil contemporain, et Elcio Ramalho, chef de la rédaction en brésilien de RFI
L’ex-sidérurgiste de 77 ans, qui avait connu la prison pour corruption (2018-2019) avant de voir ses condamnations annulées par la justice, effectue un spectaculaire retour au sommet de l’État au terme d’une campagne délétère qui a divisé le pays. Il avait déjà été à la tête du pays pour deux mandats, de 2003 à 2011.
Lula avait atteint une popularité record à l’issue de ses deux premiers mandats, mais avait ensuite connu la disgrâce, passant par la case prison, après des condamnations pour corruption finalement annulées pour vice de forme.
Immédiatement après l’annonce officielle, Lula a réagi dans un tweet : « Démocratie », avec une photo de sa main gauche – dont il a perdu un doigt lors d’un accident de travail – sur un drapeau brésilien.
Selon notre envoyé spécial à São Paulo, Achim Lippold, l’artère principale de São Paulo, l’Avenue Paulista était noire de monde dans une explosion de joie, en attendant l’arrivée de Lula. Quand il a pris la parole, le désormais président-élu a promis à ses sympathisants que « la roue de l’économie recommencera à tourner ».
« Le Brésil a besoin de paix et d’unité », a déclaré Lula, ajoutant que son pays était « de retour » sur la scène internationale et ne voulait plus être un « paria ». « Le Brésil et la planète ont besoin d’une Amazonie en vie », a ajouté l’icône de la gauche dans son discours de victoire, alors que Jair Bolsonaro s’est attiré les critiques de la communauté internationale pour la déforestation record de la plus grande forêt tropicale du monde sous son mandat.
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Achim Lippold
« On ne leur laissera pas le Brésil », déplore un bolsonariste
Selon notre correspondante à Rio de Janeiro, Sarah Cozzolino, les électeurs de Jair Bolsonaro sont passés par tous les états émotionnels. Ils sont d’abord arrivés dans une ambiance festive, célébrant la victoire annoncée de chaque gouverneur allié à l’extrême droite. Mais à mesure que le soleil s’est couché, les mines se sont assombries, les bolsonaristes se sont mis à prier tous ensemble, à genoux, en levant les mains vers le ciel criant « vai dar certo » (« ça va le faire »).
LA DÉCEPTION DU CAMP BOLSONARO À RIO, AVEC NOTRE CORRESPONDANTE : « ON NE LAISSERA PAS LE BRÉSIL, ON NE PARTIRA PAS !»
Sarah Cozzolino
La déception prime, ainsi que le sentiment que leur candidat a été victime – du système, d’une conspiration menée par la gauche. « On ne leur laissera pas le Brésil, on ne partira pas », criait un partisan sur un char, en implorant l’armée brésilienne de ne pas permettre l’arrivée de la gauche au pouvoir.
Le président sortant Jair Bolsonaro n’a pas encore réagi aux résultats. Selon le quotidien Folha de São Paulo, depuis sa défaite, le président s’est enfermé seul avec son fils dans le palais présidentiel, refusant de parler à ses ministres par téléphone et de les recevoir.
Au début de la campagne, il avait menacé de ne pas reconnaître les résultats, mettant notamment en cause le système de vote électronique. Il a ensuite modéré son propos au fur et à mesure, affirmant finalement « celui qui a le plus de voix gagne, c’est la démocratie ».
Depuis sa défaite à la présidentielle face à #Lula, Jair #Bolsonaro garde le silence et s’est renfermé seul avec son fils dans le palais présidentiel : il refuse de parler à ses ministres et de les recevoir (via
En revanche certains de ses proches comme Arthur Lira, président de la chambre des députés, ont reconnu rapidement la défaite de leur candidat. Il faut « tendre la main à nos adversaires, débattre, construire des ponts », a déclaré Arthur Lira.
« Il y a une force d’inertie dans le système politique brésilien qui a un côté redoutable, c’est la corruption systémique, mais l’avantage c’est que ça garantit une certaine stabilité », expliquait ce lundi matin sur notre antenne, Armelle Enders, professeure d’histoire contemporaine à l’Université Paris 8. Il est « déterminant qu’Arthur Lira ait immédiatement reconnu la victoire de Lula et proposé de travailler avec lui. Il avait déjà travaillé avec lui, tous ces gens qui se sont ralliés à Bolsonaro ont travaillé y compris avec Dilma Roussef, donc ils sont aimantés par le pouvoir fédéral et l’accès au coffre public, donc c’est peut-être pas une bonne motivation mais ça garantira la stabilité. »
Une victoire saluée à travers le monde
Les réactions à la victoire de Lula ont été rapides et unanimes à saluer sa victoire. En Amérique latine bien sûr, les présidents de l’Argentine, du Chili, de l’Équateur, du Venezuela, du Mexique, etc. « Un temps d’espoir et un avenir qui commence aujourd’hui », a réagi Alberto Fernandez à Buenos Aires. Et ailleurs : Joe Biden a adressé ses « félicitations à Luiz Inacio Lula da Silva pour son élection à la présidence du Brésil à la suite d’élections libres, justes et crédibles », Emmanuel Macron pour qui ce résultat ouvre « une nouvelle page de l’histoire du Brésil », Vladimir Poutine qui souhaite une « coopération constructive ».
Fortes tensions
La campagne a été marquée par de nombreuses tensions et incidents, notamment le meurtre vendredi d’un ancien élu du Parti des Travailleurs (PT) de Lula, près de São Paulo. Selon la police, tout indiquait qu’il s’agissait d’un acte « d’un bolsonariste ».
Des alliés de Lula ont déclaré avant la fermeture des bureaux de vote que des policiers avaient arrêté des bus transportant des électeurs alors que les autorités électorales avaient interdit de tels actions. Des médias ont rapporté que ces opérations avaient lieu principalement dans le nord-est du pays, région favorable à Lula.
Et ce par mandat de la police des routes, dont le chef a appelé à voter pour Jair Bolsonaro dans une publication sur les réseaux sociaux, avant de la supprimer. Le Tribunal supérieur électoral (TSE), chargé de l’organisation des élections, a toutefois déclaré qu’aucun électeur n’avait été empêché de voter et il a refusé à prolonger l’ouverture des bureaux de vote.
RFI